Cour des Comptes de 2012 _ la politique de périnatalité : l’urgence d’une remobilisation
La Cour des Comptes publie dans son rapport de 2012, après celui de 2006, un nouveau chapitre sur la périnatalité intitulé : Urgence d'une remobilisation
Version 01 Fév 2012 - 323 Ko
PRESENTATION : Les événements survenant pendant la grossesse, l’accouchement et les premiers jours de la vie des nouveau-nés influencent considérablement et durablement l’état de santé de l’enfant et de sa mère. La périnatalité, qui englobe l’ensemble des prestations et actes médicaux relatifs à ces phases de la vie maternelle et infantile, constitue ainsi un enjeu majeur de santé publique. Visant un très fort recul de la mortalité liée à la périnatalité dans un contexte où les performances de la France en ce domaine tout en s’améliorant demeuraient moyennes, la politique mise en œuvre a été structurée par trois plans de santé publique successifs depuis les années 1970. En 2006, peu après le lancement du plan 2005-2007 « Humanité,proximité, sécurité, qualité », la Cour avait consacré un chapitre de son rapport public annuel à l’examen des résultats déjà obtenus et avait dressé un bilan en demi-teinte des efforts entrepris, qui n’avaient pas suffi à amener notre pays au niveau de ceux qui lui sont comparables. Ses recommandations pour remédier aux difficultés relevées portaient ainsi sur :
– la nécessité d’un suivi plus fin des indicateurs en ce domaine ;
– la priorité à donner au renforcement de la prévention, au premier chef en direction des femmes en situation défavorisée et dans les départements d’outre-mer (DOM) ;
– le caractère indispensable d’une meilleure articulation des différents professionnels de santé (obstétriciens, pédiatres, sages-femmes, puéricultrices) intervenant dans les maternités publiques et privées; – le besoin d’une réaffirmation du rôle et des missions des services de protection maternelle et infantile (PMI) dépendant des départements.
Cinq ans après ses premiers constats, la Cour a réalisé en 2011 une enquête de suivi. Elle met en lumière que, loin des améliorations espérées, la situation a eu plutôt tendance à se détériorer et que s’impose une remobilisation forte et rapide de l’ensemble des acteurs.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS : Cinq ans après la précédente enquête de la cour, les indicateurs de périnatalité qui déjà étaient jugés comme reflétant une situation insatisfaisante par rapport à nos principaux voisins, ne se sont pas améliorés. D’autres pays ont continué à progresser et la position relative de la France s’est fortement dégradée. La mise en oeuvre seulement très partielle du plan périnatalité 2005-2007 n’a pas permis de remédier à des difficultés que la Cour avait identifiées en 2006 : une analyse insuffisamment précise des causes d’une situation médiocre et marquée de considérables disparités territoriales, un effort de prévention très insuffisant en direction des femmes en situation de vulnérabilité, une absence de prise en considération prioritaire de la situation des départements d’outre-mer, une implication inégale des services de PMI des départements. Une remobilisation de l’ensemble des acteurs s’impose, au niveau national comme sur le plan local, pour améliorer au plus vite nos performances sanitaires dans un domaine généralement considéré comme reflétant le niveau de développement d’un pays.
Ainsi, la Cour réitère ses recommandations antérieures et en formule cinq supplémentaires :
1. analyser les causes de la stagnation de la mortalité infantile en métropole et de son augmentation dans les départements d’outre-mer en mobilisant notamment la recherche ;
2. mettre en place un indicateur fiable de mortinatalité dès 2012 ;
3. faire respecter par les départements l’obligation de transmission de données provenant des premiers certificats de santé ;
4. repenser le système d’information périnatal pour remédier aux lacunes actuelles (recommandation réitérée) ;
5. mener une campagne forte de prévention s’inspirant des expériences étrangères pour faire diminuer le nombre de décès maternels évitables ;
6. mettre en place systématiquement des revues « mortalité morbidité » dans le domaine périnatal au sein des réseaux de santé en périnatalité ;
7. renforcer la prévention en direction des femmes en situation défavorisée notamment par une prise en charge psycho-sociale plus efficace et par l’amélioration de la coordination entre les acteurs (recommandation réitérée) ;
8. mobiliser l’action des services départementaux de PMI autour d’objectifs précis fixés par l’Etat tenant compte des caractéristiques de chaque territoire (recommandation réitérée).
REPONSE DU MINISTRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA SANTÉ _ J’ai pris connaissance avec grand intérêt du rapport « La politique de périnatalité ». Il n’appelle aucune observation de ma part.
Les observations de la Cour rejoignent les mesures d’amélioration que mes services mettent en oeuvre et je note dans la dernière version du projet d’insertion que la Cour a su prendre en compte cette dynamique. Pour en venir aux questions essentielles posées par la Cour, sept points doivent être mis en exergue.
Le suivi des indicateurs de la périnatalité :
Notre système d’information doit être amélioré, conformément à ce qu’indiquait notamment le Haut conseil de santé publique dans son rapport paru en 2010 « Objectifs de santé publique – Evaluation des objectifs de la loi du 9 août 2004 – Propositions ». La Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) et la Direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques (DREES) ont d’ores et déjà travaillé à cette amélioration, même si le chantier, d’ampleur, n’est pas encore achevé. On peut ainsi souligner la parution dernière de l’instruction ministérielle (Instruction aux agences régionales de santé du 26 octobre 2011) relative aux modalités d’enregistrement et de codage des mort-nés dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) qui a pour objectif d’améliorer la comptabilisation et le suivi des mortinaissances. Cette instruction a fait l’objet d’une présentation à la réunion plénière de la
Commission nationale de la naissance et de la santé de l’enfant (CNNSE) du 15 novembre 2011. Les premières données consolidées devraient être disponibles dès 2011. La valorisation du résumé d’unité médicale (RUM) « mort-né » à partir de 2012 devrait contribuer à l’amélioration de la qualité de calcul du taux de mortinatalité. La France devrait donc être en mesure de fournir un indicateur fiable dès 2012, honorant ainsi ses engagements européens. Il est à noter que le recueil PMSI comporte également depuis cette année l’information systématique du poids de naissance des nouveau-nés,
puisque cet item est bloquant pour la saisie des codes. La DGOS a demandé à l’Agence technique pour l’information sur l’hospitalisation (ATIH) de rendre également bloquante la donnée sur l’âge gestationnel à compter de 2012.
Les revues de mortalité et de morbidité :
Les revues de mortalité et de morbidité, qui correspondent à une démarche d’apprentissage par l’erreur non culpabilisant ayant pour finalité l’amélioration continue de la qualité des soins et leur sécurisation, sont d’ores et déjà systématiquement prévues en établissement de santé. En effet, lors de la procédure de certification des établissements de santé, la Haute autorité de santé, qui publie les recommandations en la matière, vérifie que l’organisation des revues de mortalité et de morbidité soit bien effective. Cet élément est obligatoire. Les réseaux en santé périnatale, dans le cadre de leur mission générale de formation, ont parfois d’ores et déjà un rôle dans l’organisation de ces revues de mortalité et de morbidité. Par sa recommandation n° 6, la Cour propose que les réseaux les organisent systématiquement. Cette possibilité pourra être étudiée dans le cadre des travaux en cours sur la redéfinition des réseaux de santé périnatale, qui ont été signalés au rapporteur. Il s’agit de prioriser les missions remplies par ces réseaux, sur la base du cahier des charges porté par la circulaire n° 2006-151 du 30 mars 2006.
L’équipement des établissements :
Si les types de maternités correspondent à une offre d’équipement différenciée pour la prise en charge des nouveau-nés, il est à noter que le risque maternel est pris en compte pour l’orientation de la femme enceinte, conformément aux recommandations de la Haute autorité de santé parues en 2007.
Les décès maternels :
La réduction du nombre des décès maternels est une priorité de santé publique. La prise en charge des hémorragies du post-partum (HPP) constitue un enjeu majeur sur lequel de nombreux travaux sont ouverts, certains étant d’ailleurs cités dans le projet d’insertion de la Cour. Ainsi, des indicateurs, testés et validés par un projet de recherche (Compaq-hpst), sont en cours de généralisation pour 2012. Ces indicateurs renseignés par chaque établissement seront disponibles sur le site Platines à partir de 2013. Ils sont centrés sur deux aspects de la prise en charge : La prévention de l’HPP pour l’ensemble des grossesses puisqu’une surveillance attentive et les techniques prophylactiques de l’HPP devraient permettre une diminution de son incidence :
– Prise en charge et suivi de la délivrance,
– Surveillance de l’accouchée en salle de naissance ;
La qualité de la prise en charge initiale de l’hémorragie du postpartum immédiat qui doit permettre de diminuer le risque de complications graves secondaires à l’hémorragie :
– diagnostic de l’HPP ;
– gestes endo-utérins ;
– antibioprophylaxie.
Le suivi de ces indicateurs permettra également de rendre compte de la formalisation, à l’échelle de l’établissement, de protocoles de prise en charge (HPP, transfusion sanguine et antibioprophylaxie) et de la mise en oeuvre d’une démarche d’évaluation (évaluation des pratiques professionnelles et revues morbi-mortalité).
Les pratiques professionnelles :
Si, en France la réanimation peut être pratiquée à partir de 24 semaines, il est à souligner que ce n’est pas une pratique systématique, la situation étant appréciée au cas par cas par l’équipe médicale.
Devant le constat de l’augmentation du nombre d’échographies et de consultations dans la période ante-partum, un « risque de surconsommation médicale » est pointé dans le projet d’insertion. Il est cependant à rappeler que les échographies prises en charge par la sécurité sociale sont faites sur prescription. Un médecin ou une sage-femme les a donc jugées nécessaires. On peut penser que l’augmentation de l’âge des femmes au moment de leur grossesse, qui majore les risques obstétricaux, peut être un élément explicatif pour ce surcroît de consommation.
La prévention des femmes en situation défavorisée :
Suite au rapport d’évaluation du plan Périnatalité 2005-2007 qui avait mis en évidence un déficit d’action sur ce thème, un groupe de travail, mis en place dans le cadre de la CNNSE, se réunit actuellement. Il finalise actuellement un guide à l’usage des professionnels de santé visant à mieux accompagner ces situations susceptibles d’avoir des répercussions médicales importantes pour les femmes et les enfants.
La situation spécifique des départements d’outre-mer :
En ce qui concerne l’offre de soins, nous pourrions enfin signaler l’inauguration dernière, le 23 décembre 2011, du centre de référence périnatal pluridisciplinaire de proximité (CR3P) à Marin, en Martinique. Il a été conçu par l’agence régionale de santé de la Martinique et ses partenaires (le centre hospitalier du Lamentin et le réseau périnatal) comme un outil innovant et indispensable dans la politique régionale de prévention de la mortalité périnatale. Les objectifs de l’ouverture de cette nouvelle structure sont : d’assurer un soutien précoce aux professionnels de santé qui travaillent dans l’accompagnement de la grossesse, lorsqu’émergent des difficultés psychosociales complexes ; de surveiller les grossesses à risque dans la proximité; de répondre aux urgences ressenties, afin d’orienter la vraie urgence médico-obstétricale vers l’hôpital ; de participer au suivi échographique des femmes enceintes, afin d’augmenter l’incidence de la première échographie ; d’accompagner, dans la pluridisciplinarité, en amont et en aval de la naissance, les femmes et les familles en difficultés médico-psychosociales.