HAS : Cytomégalovirus (CMV) chez la femme enceinte

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Cytomégalovirus (CMV) chez la femme enceinte :

La HAS recommande un dépistage systématique pour toutes à réévaluer après 3 ans de mise en œuvre

17 juin 2025

L’infection à cytomégalovirus (CMV) est bénigne dans la majorité des cas. Cependant, si elle est développée pendant la grossesse, notamment pendant la période encadrant le début de grossesse, elle peut provoquer chez le bébé à naître des séquelles lourdes, telles que des troubles auditifs ou du développement cérébral. Actuellement en France, bien qu’un dépistage de l’infection chez les femmes enceintes soit réalisé de plus en plus fréquemment, il n’existe pas de recommandation en faveur d’un dépistage systématique pendant la grossesse. En 2018 puis en 2023, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) s’est en effet prononcé contre sa mise en œuvre, faute d’éléments suffisants pour en démontrer le bénéfice. Comme prévu par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, le ministère chargé de la Santé a sollicité la HAS afin qu’elle rende un avis sur la pertinence de ce dépistage systématique. Aujourd’hui, la HAS se prononce en prenant en compte l’évolution des connaissances. Elle recommande au ministère chargé de la Santé de mettre en place un dépistage systématique chez les femmes enceintes dont le statut sérologique est inconnu ou négatif, sous réserve qu’un suivi et qu’une collecte de nouvelles données soient mis en place. Cette recommandation devra faire l’objet d’une réévaluation au bout de trois ans, sur la base de données qui devront avoir été recueillies d’ici là.

En France, environ 46 % des femmes âgées de 15 à 49 ans ont déjà été en contact avec le cytomégalovirus (CMV). Ce taux, appelé séroprévalence, varie fortement selon les régions et peut atteindre jusqu’à 90 % dans les départements et régions d’outre-mer [1]. Le CMV se transmet par contact direct avec les liquides biologiques contaminés (la salive, les sécrétions respiratoires, les urines, les larmes, les sécrétions cervico-vaginales, le sperme et le lait maternel). L’infection est dans 90% des cas asymptomatique et sans conséquence pour la mère et le fœtus, mais elle peut dans certains cas qui reste peu fréquents [2] induire des complications graves pour le fœtus : une perte auditive neurosensorielle (unilatérale ou bilatérale), ainsi que des troubles neurologiques tels que des troubles vestibulaires, un retard global du développement ou des formes de paralysie. Le risque de complications pour le fœtus est d’autant plus important que l’infection à CMV survient en début de grossesse, et tend à diminuer au fil de la gestation.
Alors qu‘il n’est pas recommandé aujourd’hui, au niveau national, de proposer systématiquement le dépistage des infections à CMV chez la femme enceinte, on observe cependant qu’il est réalisé chez environ un tiers des femmes enceintes, et ce de manière hétérogène, ce qui induit des inégalités de prise en charge selon les territoires.
Jusqu’à présent, les recommandations françaises ne préconisaient pas de dépistage systématique du CMV pendant la grossesse, faute d’élément démontrant la pertinence de dépister ces infections chez toutes les femmes enceintes.
Les connaissances sur le CMV, mais aussi les attentes sociétales sur ce sujet évoluent. En conséquence, le ministère chargé de la Santé a saisi la HAS afin qu’elle réévalue la pertinence de mettre en place un dépistage du CMV de manière systématique pendant la grossesse.

Connaitre le statut sérologique de la mère pour mieux prévenir les séquelles chez le fœtus

Actuellement, la stratégie de détection d’une infection à CMV chez les femmes enceintes repose en premier lieu sur une prise de sang visant à rechercher les anticorps (IgG et IgM), ainsi que sur des tests d’avidité permettant d’identifier une infection ancienne ou récente. En effet, grâce au résultat, il est possible d’évaluer le statut immunitaire d’une femme vis-à-vis du CMV et de distinguer une primo-infection récente (cas dans lequel le risque de transmission du CMV au fœtus est le plus élevé) d’une infection ancienne.
Chez les femmes n’ayant jamais été infectées par le CMV, des mesures d’hygiène préventives doivent être mises en place. Pour celles dont le statut sérologique révèle une primo-infection récente, un traitement préventif (le valaciclovir) et un suivi particulier peuvent être proposés.
Seul traitement médicamenteux actuellement disponible, le valaciclovir permet de limiter la transmission au fœtus en cas de séropositivité maternelle et les données disponibles sur ce traitement ne montrent aucun signal de tératogénicité (anomalie ou déformation fœtale) sur la période 2007-2023 [3]. Cependant, il persiste encore des incertitudes sur l’ampleur de son efficacité sur la réduction du risque de séquelles et de leur gravité et  il est nécessaire de surveiller l’apparition d’effets indésirables non encore identifiés.

De nouvelles données seront nécessaires avant d’envisager une pérennisation du dispositif

Afin d’émettre son avis, la HAS a notamment pris en compte le fardeau que représente l’infection par le CMV au cours de la grossesse, les inégalités de dépistage sur le territoire et l’existence d’un test de détection et d’un traitement pouvant limiter la transmission au fœtus. Ainsi, elle recommande de mettre en place un dépistage systématique, à destination de toutes les femmes enceintes dont le statut sérologique est inconnu ou négatif. Cette mesure devra faire l’objet d’une réévaluation au terme de trois années de mise en œuvre, afin d’en apprécier la pertinence et d’envisager éventuellement sa reconduction. La HAS recommande que la poursuite du dispositif au-delà de cette période initiale de trois ans soit conditionnée à l’évaluation de données complémentaires. Elle préconise ainsi que le ministère chargé de la Santé s’assure de la réalisation d’études pour lever les incertitudes persistantes, notamment les données épidémiologiques nationales (séroprévalence maternelle, fréquence et gravité des complications néonatales et chez l’enfant), la sécurité du valaciclovir sur le long terme, à plus large échelle et son effet sur les séquelles du fœtus et du nouveau-né, la performance globale de la séquence de tests de détection du CMV.
Le dépistage devra être réalisé au premier trimestre de grossesse chez les femmes enceintes séronégatives ou de statut sérologique inconnu. La séquence des examens sérologiques de dépistage recommandée s’intègrera dans la liste des examens proposés aux femmes enceintes au premier trimestre de grossesse. Dans ce cadre, la HAS préconise de ne recourir qu’à des tests d’avidité IgG avec des seuils minimaux de performance en matière de sensibilité et de spécificité de 95% dans le cadre de la séquence actuellement utilisée (IgM, IgG, avidité IgG). La HAS précise que les patientes devront être sensibilisées au maintien d’une hydratation suffisante et à l’administration du traitement par valaciclovir en plusieurs doses réparties sur 24 heures afin d’éviter l’apparition de potentiels effets secondaire renaux.
Sur le plan organisationnel, la mise en place de ce dépistage suppose le déploiement de certaines mesures d’accompagnement nécessaires à sa bonne réalisation. Il nécessitera en effet, en tant que de besoin, de réorganiser les pratiques, la formation des professionnels de santé, l’harmonisation des protocoles pour le suivi des femmes enceintes à risque, ainsi qu’une information adaptée aux femmes enceintes.

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